Le Tribunal de conciliation du Conseil des Tlingits de Teslin
Rétablir l’équilibre - Le Tribunal de conciliation du Conseil des Tlingits de Teslin est en train de révolutionner le système de justice
Rien n’est plus difficile que d’affronter le regard des membres de la collectivité et des aînés lorsque l’on a commis un tort.
Le conseil de justice du Conseil des Tlingits de Teslin (en anglais) s’emploie notamment à offrir aux contrevenants un moyen d’être responsable de leurs actes devant leur collectivité, leur clan et leur peuple. Le modèle de justice des Tlingits de Teslin met l’accent sur la justice réparatrice, qui vise à renforcer la collectivité au lieu de la diviser.
Melaina Sheldon, citoyenne de la Première Nation des Tlingits de Teslin, fait partie des cinq membres du conseil de justice. À son avis, la vision du Conseil des Tlingits de Teslin qui consiste à révolutionner le système de justice se concrétise peu à peu.
« Il n’est pas facile de s’autocritiquer, de guérir ses blessures, de trouver l’origine de ses blessures et de comprendre les motifs qui nous ont poussés à causer un tort à autrui en raison de ces blessures. Seules les personnes courageuses n’ont pas de mal à revenir dans leur collectivité pour affronter le regard de la personne qu’elles ont blessée et de toute sa famille », mentionne-t-elle.
Haa Ḵusteeyí
Le conseil de justice des Tlingits de Teslin et le Tribunal de conciliation (en anglais) facilitent le règlement des différends et se conforment à Haa Ḵusteeyí, c’est-à-dire le droit des Tlingits de Teslin. Haa Ḵusteeyí signifie « notre mode de vie » et prône le respect, l’honneur et l’intégrité à l’égard de toutes les choses vivantes.
C’est un mode de vie global et holistique.
« Selon nous, c’est inné. C’est le fait d’être intègre et honnête. Je dis souvent que si nous nous conformions intégralement à Haa Ḵusteeyí et que chaque personne observait les règles dont nous avons hérité de nos ancêtres, à savoir se respecter les uns les autres, faire de son mieux, ne pas voler, partager et être généreux, le conseil de justice ne serait pas nécessaire », explique Mme Sheldon.
Mme Sheldon précise que le Tribunal de conciliation vise essentiellement à utiliser « nos valeurs, nos croyances et nos principes pour résoudre les différends et promouvoir la guérison ».
« Il est difficile d’intégrer les lois et la pensée occidentale à ces connaissances et sentiments inhérents, mais nous faisons notre possible », ajoute-t-elle.
Administration de la justice
Le 21 février 2011, le Conseil des Tlingits de Teslin a signé l’Accord sur l’administration de la justice avec les gouvernements du Yukon et du Canada. Cet accord a été conclu en vertu des dispositions relatives à la justice figurant dans l’entente sur l’autonomie gouvernementale.
À la suite de la signature de l’Accord sur l’administration de la justice, le Conseil des Tlingits de Teslin a adopté la Peacemaker Court and Justice Council Act. Cette loi a instauré le Tribunal de conciliation, en plus de définir la composition et les pouvoirs du conseil de justice.
c’est le mode de vie propre à chaque individu. Notre système de justice est notre mode de vie (Haa Ḵusteeyí). Nous sommes un peuple fier. Le droit des Tlingits reposait sur la vérité et l’honnêteté. Nous devons le réinstaurer. Nous devons également nous aimer et nous comprendre les uns les autres.
Ces principes directeurs orientent le travail du conseil de justice des Tlingits de Teslin, qui se compose de représentants des cinq clans suivants : Ishkitan (grenouille), Kukhhittan (corbeau), Yanyedi (loup), Deshitan (castor à queue divisée) et Dakhl’awedi (aigle). Le conseil assume diverses responsabilités. Il doit notamment nommer les agents de conciliation en chef et adjoints, formuler des recommandations à l’intention de l’agent de conciliation en chef et des agents de conciliation adjoints, et travailler ensemble dans un esprit d’équité. Les premiers membres du conseil de justice ont été nommés en 2012. En avril 2014, le conseil de justice a nommé l’agent de conciliation en chef.
C’est important parce que l’autonomie gouvernementale consiste en partie à s’auto-discipliner et à imposer des sanctions disciplinaires aux personnes qui résident dans notre territoire
Pour ce faire, il faut protéger les terres désignées et rappeler aux visiteurs et aux invités qu’ils doivent se conformer aux lois du Conseil des Tlingits de Teslin lorsqu’ils se trouvent sur son territoire.
Les ententes traitent de la réconciliation et offrent aux gouvernements l’occasion de collaborer.
« Nous avons encore beaucoup à apprendre les uns des autres, et les Premières Nations ont encore beaucoup à enseigner... parce que notre système de justice mettra l’accent sur les structures individuelles et communautaires », ajoute Mme Sheldon.
« Les gouvernements doivent travailler ensemble, ajoute-t-elle. Nous avons besoin les uns des autres. Nous ne pouvons aller de l’avant sans l’autre. Nous ne pouvons bâtir un Canada meilleur et plus fort l’un sans l’autre et sans cette relation », conclut-elle.
Vision pour l’avenir
Même si le Tribunal de conciliation n’est pas encore entièrement opérationnel, dès qu’il sera en fonction, il offrira des services de médiation et d’arbitrage afin d’entendre les affaires des membres de la collectivité.
Dès que le Tribunal de conciliation sera entièrement opérationnel, il aura compétence pour entendre les affaires liées aux infractions aux lois des Tlingits de Teslin, quel que soit le statut de citoyenneté du contrevenant. Ce système aura pour seule différence qu’il sera interdit d’imposer une pénalité à un noncitoyen qui est « de nature différente » de celles qui sont habituellement imposées par les tribunaux des territoires et des provinces ou par les cours supérieures au Canada sans le consentement du contrevenant.
Tout citoyen de la Première Nation des Tlingits de Teslin ou membre de la communauté de Teslin pourra solliciter les services de médiation devant le Tribunal de conciliation, à condition que les personnes concernées acceptent le processus.
Dans le cadre de ce processus, l’agent de conciliation en chef ou l’agent de conciliation adjoint peut être appelé à consulter à maintes reprises les gens ou les clans jusqu’à ce qu’un plan d’action soit élaboré et que l’équilibre soit rétabli.
C’est ainsi que nous préservons les liens qui unissent les membres de notre collectivité
À l’avenir, le Conseil des Tlingits de Teslin envisage de construire un bâtiment qui abritera le Tribunal de conciliation, de faire respecter les lois de la Première Nation et de sensibiliser les jeunes aux perspectives de carrières dans le domaine de la justice au sein du Conseil. « Ce système est révolutionnaire non seulement pour nous en tant que Première Nation autonome, mais aussi pour le Canada. Un jour, j’espère que les gens auront la possibilité de refuser le système de justice traditionnel et de privilégier la justice réparatrice ou le tribunal tribal », conclut-elle.