La Première Nation des Nacho Nyak Dun
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Voices of Vision: An interview with Robert Hager

An interview with Robert Hager
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ROBERT Hager a grandi en poursuivant les pratiques traditionnelles, telles que la chasse, la pêche et le piégeage. À titre de citoyen de la Première nation Nacho Nyak Dun, M. Hager est fier du passé d'autonomie gouvernementale de cette dernière. Sa passion pour l'autonomie gouvernementale est l'un des principaux aspects de sa longue et prolifique carrière politique. M. Hager a été chef de la Première nation Nacho Nyak Dun pendant trois décennies et, pendant son mandat, il a été témoin de plusieurs jalons de l'autonomie gouvernementale des Premières nations du Yukon, dont la signature de l'entente définitive et de l'entente sur l'autonomie gouvernementale de sa Première nation. M. Hager est maintenant retraité et habite à Mayo (Yukon), où sa femme Christine et lui ont récemment célébré leurs noces d'or.


Transcription


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MEAGAN PERRY (VOIX HORS CHAMP) : ROBERT Hager a été chef de la Première nation des Nacho Nyak Dun pendant 30 ans. Au cours de cette période, il a été témoin de deux des plus importants moments de l'élaboration d'un concept unique de l'autonomie gouvernementale autochtone. Hager était présent en 1973, lorsqu'une délégation de chefs des Premières nations du Yukon a présenté une proposition révolutionnaire au premier ministre Pierre Trudeau. Cette proposition s'intitulait : Together Today for our Children Tomorrow. L'organisation qui a présenté le document a évolué au fil des années et constitue aujourd'hui le Conseil des Premières nations. Hager était également présent lors de la signature de l'Accord-cadre définitif qui établit un modèle de base pour les ententes d'autonomie gouvernementale et de revendication territoriale concernant le Yukon.  

ROBERT Hager a quitté son poste de chef peu après avoir signé son entente d'autonomie gouvernementale. En signant cette entente, il a changé la nature des relations qu'entretenait la Première nation avec le ministère des Affaires indiennes, que Hager appelle MAI. Il a depuis surveillé de près l'application de l'entente par la Première nation des Nacho Nyak Dun dans la vie de tous les jours. En février 2011, il a accepté de nous accorder une entrevue à son domicile de Mayo, localité située à 400 kilomètres au nord de Whitehorse. Nous avons parlé de l'histoire de l'autonomie gouvernementale, des ententes sur les revendications territoriales et de sa Première nation. Je m'appelle Meagan Perry et j'ai commencé l'entrevue en demandant à M. Hager de nous parler de lui.

ROBERT HAGER : Je m'appelle Robert Hager. Je suis né en 1941, j'ai été élevé ici, dans le village, et j'ai participé au processus en tant qu'Indien inscrit. J'ai été élevé dans une famille autochtone. Mon père et ma mère sont des Indiens inscrits. J'ai vécu dans le vieux village situé à trois milles au sud de Mayo et nous sommes venus nous établir à Mayo en 1957. C'est cette année-là que fut inaugurée l'école de notre Première nation – c'était la première fois que nous étions autorisés à aller à l'école publique et c'est pourquoi nous sommes venus nous installer à Mayo.  

MEAGAN PERRY : Pour les gens qui ne sont pas informés de ces questions et qui écoutent ce fichier balado depuis d'autres régions du Canada ou de l'étranger, pouvez-vous décrire le village de Mayo, nous dire ce à quoi il ressemble?

ROBERT HAGER : Mayo se trouve à proximité de la rivière Stewart. Le village a été établi ici en raison de la découverte de plomb, de cuivre et de zinc dans le sous-sol des collines de United Keno Hill. Des mines y ont été exploitées à partir de 1898. Ce sont donc les mines qui sont à l'origine de l'établissement de Mayo.  

MEAGAN PERRY : Qu'est-ce qui vous a amené à vous intéresser aux questions de revendications territoriales et d'autonomie gouvernementale quand vous étiez jeune?

ROBERT HAGER : J'étais très jeune lorsque je vivais au village. Nous étions 14 dans la famille. Le village est tout petit. Nous n'avions pas d'emploi. Nous vivions tous de la chasse, de la pêche et du piégeage. Mais nous avions néanmoins notre autonomie gouvernementale, nous exercions un contrôle sur notre mode de vie et le chef exerçait le pouvoir sur notre peuple, décidait des choses à faire et il facilitait les choses pour tout le village.

MEAGAN PERRY : Alors lorsque pour la première fois – j'ai parlé à Hal Mehaffey. Vous vous souvenez de lui?

ROBERT HAGER : Oui.

MEAGAN PERRY : Hal Mehaffey a parlé du travail qu'il a fait à Nacho Nyak Dun à l'époque où des négociations avaient lieu concernant l'autonomie gouvernementale.


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ROBERT HAGER : Oh, alors vous m'avez espionné, hein?

[Rires]

MEAGAN PERRY : Il a dit qu'il pensait que l'autonomie gouvernementale pouvait vraiment améliorer les choses pour la Première nation des Nacho Nyak Dun. Qu'en pensez-vous?

ROBERT HAGER : Bien, quand je suis devenu chef, nous étions sous le régime des Affaires indiennes. Le ministère contrôlait nos vies. Il nous donnait – il a commencé par nous donner des prestations d'aide sociale et tout ce qui s'ensuit, et les gens n'avaient pas d'autre choix que d'accepter ces prestations parce que leurs enfants étaient envoyés à l'école et ils en avaient besoin pour les faire vivre. Cela signifiait que beaucoup de gens, sans abandonner le piégeage, ne pouvaient plus compter sur cette activité à elle seule pour nourrir les deux parties de la famille - celle des enfants qui devaient aller à l'école et celle de ceux qui allaient trapper. Alors, beaucoup de gens ont commencé à se chercher des emplois. Et puis le gouvernement a autorisé la vente d'alcool aux Autochtones. Je me souviens, j'avais à peine 16 ou 17 ans à l'époque; je n'avais jamais rien vu de tel, et c'est à partir de ce moment-là que les gens ont commencé à perdre le contrôle de leur vie.

MEAGAN PERRY : Avant cela vous n'aviez pas le droit d'acheter d'alcool, n'est-ce-pas?

ROBERT HAGER : Oui, nous n'avions pas le droit d'acheter de boissons alcoolisées, ni le droit de boire, ni le droit de vote, et la Loi sur les Indiens nous interdisait de déposer de l'argent en banque. Nous n'avions pas le droit de faire quoi que ce soit. Nous n'avions pas le droit d'aller dans les écoles publiques à moins d'avoir la permission d'abandonner notre statut d'Indien. Et je remercie le Bon Dieu, mon père n'a jamais voulu abandonner notre statut d'Indien au profit de l'éducation. Et c'est grâce à lui si je l'ai encore aujourd'hui.

MEAGAN PERRY : Lorsque Elijah Smith a commencé à parler d'autonomie gouvernementale, quelle a été votre réaction ?


00:05:33


ROBERT HAGER : Bien, quand j'étais jeune, je pratiquais la chasse, la pêche et le piégeage. Je voyais comment les gens vivaient. J'ai travaillé fort pour réaliser ce que je voulais faire, parce que je voyais que bien des choses que vivait notre peuple n'étaient pas justes. Oh j'ai déjà détesté le ministère des Affaires indiennes et la manière dont il travaillait avec notre peuple. Et bien des fois, bien des fois je me suis dit que les choses allaient changer. Et cela s'est concrétisé.

MEAGAN PERRY : Pouvez-vous me parler du document Together Today for our Children Tomorrow. Comment en êtes-vous venu à participer à la réalisation de ce document?

ROBERT HAGER : Bien je pense – je pense que beaucoup de gens savent – il existe un statut d'Indien inscrit et d'Indien non inscrit. Alors quand j'étais chef, il m'a fallu beaucoup de temps avant d'accepter le statut d'Indien non inscrit, de vraiment comprendre d'où cela venait au juste. Et le Conseil des Premières nations s'est formé afin que les Indiens inscrits et non inscrits puissent travailler ensemble. Et nous savions que cela n'allait pas fonctionner parce que le gouvernement n'acceptait pas le statut d'Indien non inscrit sous aucune considération. Et ce problème n'est toujours pas réglé aujourd'hui.  

MEAGAN PERRY : Le problème est que le gouvernement fédéral offre des services aux Autochtones qui bénéficient du statut d'Indien inscrit alors que ceux qui n'ont pas ce statut n'ont pas droit aux mêmes services, ce qui pose un problème d'administration, n'est-ce pas?

ROBERT HAGER : Oui.

MEAGAN PERRY : Donc vous avez été chef de Nacho Nyak Dun pendant 30 ans.

ROBERT HAGER : Oui.

MEAGAN PERRY : Vous avez occupé ce poste pendant longtemps. Et pendant ce temps, vous avez travaillé à l'élaboration et à la mise en œuvre d'une entente sur l'autonomie gouvernementale. Quel a été le nouveau défi, pour les Nacho Nyak Dun, lorsqu'il a fallu passer du mode « négociation de l'autonomie gouvernementale » au mode « mise en œuvre de l'entente sur l'autonomie gouvernementale » ?


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ROBERT HAGER : Au début – mais là  je vais remonter dans le temps un petit peu – c'est-à-dire à l'époque de l'entente de 1984, je me suis opposé à cette entente contre les seize autres chefs autochtones. Je n'étais pas très content de ce qui se négociait autour de la table.

MEAGAN PERRY : Parlez-vous de l'Accord-cadre définitif à ce moment-là? De quelle entente s'agissait-il?

ROBERT HAGER : Non, ce n'était pas l'Accord-cadre. Il s'agissait du document intitulé  [Together] Today for our Children Tomorrow qui avait été rédigé en vue de conclure une première entente sur les revendications territoriales. Je n'étais pas d'accord avec ce document parce que nous allions devoir abandonner notre statut pour devenir ce que j'appelle un « petit indien blanc ». C'est ce que je serais devenu. J'aurais perdu mon statut et c'est la raison pour laquelle j'étais contre cette entente de 1984. Tout mon peuple était d'accord avec moi. Nous nous sommes présentés à cette réunion. Ils nous ont mis au tout début de l'ordre du jour de la réunion en pensant qu'ils allaient pouvoir invalider nos représentations et que nous n'aurions plus rien sur quoi nous appuyer. Un avocat a fait la lecture de certains des problèmes que posait l'entente, signalant entre autres que nous ne serions pas autorisés en tant qu'Indiens à chasser le gros gibier, les animaux comme le grizzly, les orignaux et ainsi de suite. Un aîné de Carcross, du nom de Johnnie Johns, qui avait déjà eu une pourvoirie de chasse et pêche, s'est levé en disant « Qu'est-ce que vous avez dit? »  L'avocat a répété qu'aux termes de cette entente, nous n'aurions pas le droit de chasser le gros gibier. Alors, Johnnie Johns a dit  « Allez au diable avec cette entente ». Il a ramassé ses papiers et les a carrément jetés à la poubelle. Et les gens ont fini par être d'accord avec lui. Alors, c'est comme cela que nous avons rejeté cette entente en 1984. Puis le premier ministre m'a dit « Bien, Robert. Tu t'es débarrassé de leur entente. Alors maintenant, tu vas te retrouver au bas de la liste. » Et j'ai dit – je pense que c'était John Turner – j'ai dit : « Vous savez, j'ai encore mon statut d'Indien, n'est-ce-pas? » et j'ai ajouté « Je peux continuer de vivre sous le régime de la Loi sur les Indiens,  mais j'ai toujours mon statut d'Indien. ». Je lui ai dit : « Ça va vous prendre un sacré temps avant de m'enlever ça. » Alors, l'entente n'a pas été signée. Oh, je me suis fait haïr à cause de cela. Mais cela ne me dérangeait pas. Les gens de ma communauté étaient contents.

MEAGAN PERRY : Et après avoir signé – vous avez travaillé à l'élaboration de l'Accord-cadre définitif – cette fois vous étiez satisfait? Vous étiez content de cette entente?

ROBERT HAGER : Beaucoup plus content qu'avec le type de chose que l'on faisait normalement sous le régime du MAI. Vous savez, lorsque j'ai dit que je détestais le Ministère, je ne pensais pas aux personnes, mais bien au système – à la manière dont le système contrôlait les Indiens. Lorsque j'ai quitté mon poste de chef en 1997, j'avais fait mon temps. J'ai dit aux gens que j'en avais assez et je pense que nous avons fait en sorte que les choses fonctionnent rondement pour les gens. Maintenant, il faut travailler fort pour appliquer les principes de l'autonomie gouvernementale et cela ne sera pas facile. Il faudra travailler fort. C'est à ce stade que j'ai abandonné les fonctions de chef.

MEAGAN PERRY : Lorsque vous avez signé l'entente sur l'autonomie gouvernementale pour la Première nation des Nacho Nyak Dun, quelles étaient vos attentes à ce moment-là?


00:10:36


ROBERT HAGER : Bien, j'ai été le plus heureux des hommes quand j'ai su qu'on allait y arriver. Beaucoup d'ainés m'avaient parlé de ce qui allait advenir avec cette autonomie gouvernementale. Ils me disaient que c'est eux qui représentaient l'autonomie gouvernementale. Que c'est eux qui contrôlaient les choses parce qu'ils étaient des gens raisonnables, qui savaient travailler ensemble, mais il va y avoir des problèmes avec l'autonomie gouvernementale parce qu'il y a beaucoup d'alcool, de drogue, d'enfants sur l'assistance sociale et ainsi de suite. Ce qu'il faut c'est avoir les bonnes personnes, les bonnes ressources pour mettre en place ce nouveau régime d'autonomie gouvernementale. Mais cela va demander beaucoup d'efforts. Je comprends tout ça. On m'a dit fait bien attention - avant vous releviez d'Affaires indiennes et vous n'aviez pas de contrôle. Mais maintenant qu'on est regroupés avec ceux qui n'ont pas le statut d'Indien, vous risquez d'y perdre si vous ne ne travaillez pas ensemble et que vous ne contrôlez pas votre argent ou que vous ne le faites pas comme il faut. Il faut travailler ensemble pour que tout se passe bien, sans ça ce sont les Indiens inscrits qui vont encore écoper.

MEAGAN PERRY : Comment vous sentiez-vous lorsque vous pensez à toutes ces années où vous avez négocié l'entente sur l'autonomie gouvernementale et sa mise en œuvre? Que pensez-vous de toutes ces années?

ROBERT HAGER : Bien, j'y pense beaucoup. S'il est une chose que je n'ai pas faite, c'est de cotiser à un bon régime de retraite. Je n'ai pas – j'étais – Je ne sais pas pourquoi il en est ainsi. J'ai toujours pensé que les gens des finances mettraient ces choses en place. Quand je regarde en arrière je dis à ma femme : « Christine, j'aurais dû travailler pour le gouvernement territorial à la construction de l'autoroute. J'aurais un gros régime de retraite. » Mais elle me dit – et j'aime ma femme quand elle me dit cela – « Tu as travaillé fort pour les autres et  les gens t'aiment pour ce que tu as fait pour eux. Tu ne les entends pas, mais beaucoup de gens n'ont que de bons mots à ton sujet. » Elle a raison. Vous savez, à l'époque il y avait vraiment beaucoup de discrimination. Beaucoup d'enseignants, de policiers de la GRC haïssaient les Autochtones. Vous savez, mon conseil et moi nous avons  travaillé fort. Je me souviens d'avoir parlé à ce type de Mayo. Nous avons beaucoup discuté de la manière dont il fallait s'y prendre pour créer des conseils conjoints regroupant des Autochtones et des Non-Autochtones. C'est ainsi que nous nous sommes regroupés avec le village de Mayo, et c'est là que tout a commencé… Bien entendu, je n'étais pas le seul. Tous les membres du conseil ont travaillé fort pour y arriver. Nous nous sommes assurés que nous aurions des représentants auprès du conseil scolaire et nous participerions aux décisions. Et cela a très bien fonctionné.

MEAGAN PERRY : Quel est le moment du processus d'élaboration et de mise en œuvre de l'autonomie dont vous êtes le plus fier? Y a-t-il une chose en particulier dont vous êtes réellement fier?


00:13:23


ROBERT HAGER : Bien, je pense que lorsque j'ai eu l'entente entre mes mains et que j'ai dit « Bye bye les Affaires indiennes, allô l'autonomie gouvernementale ». Ce fut un moment de bonheur.

[Rires]

MEAGAN PERRY : J'imagine. Bien, je vous remercie de cet entretien que vous m'avez accordé aujourd'hui.

MEAGAN PERRY (VOIX HORS CHAMP) : C'était Robert Hager, ancien chef de la Première nation des Nacho Nyak Dun, que nous avons rencontré en février 2011 pour un entretien sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale. Les opinions exprimées dans la présente entrevue visent à mieux faire connaître les ententes sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale concernant le Yukon. Les idées exprimées sont celles de M. Robert Hager. La présente série de fichiers balados a été produite par le Groupe de travail sur la mise en œuvre, de concert avec le Conseil des Premières nations du Yukon, le gouvernement du Yukon, le gouvernement du Canada et les Premières nations autonomes du Yukon.