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Voices of Vision: An interview with Lesley McCullough

An interview with Lesley McCullough
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LESLEY MCCULLOUGH possède une vaste expérience juridique et stratégique de la gouvernance et des droits des Autochtones. Elle œuvre au sein du gouvernement du Yukon depuis 1992. Avant de devenir sous-ministre adjointe par intérim des services de tribunal et de réglementation, elle a occupé divers postes  au secrétariat des revendications territoriales et de la mise en œuvre du gouvernement du Yukon, dont celui d'avocate du gouvernement pendant la négociation de l'accord-cadre définitif, de l'entente définitive et de l'entente sur l'autonomie gouvernementale des Premières nations du Yukon, et de directrice du mandat et de la politique. Mme McCullough est diplômée de l'école secondaire F. H. Collins de Whitehorse (Yukon) et possède un baccalauréat (avec distinction) de l'Université de l'Alberta et un diplôme de droit de l'Université Queen's.


Transcription


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LESLEY MCCULLOUGH : Je m'appelle Lesley McCullough. Je suis arrivée au Yukon à l'âge de l'adolescence. J'y ai vécu presque toute ma vie. Je suis avocate de formation et actuellement je suis sous-ministre adjointe de la Justice. De la fin des années 1980 jusqu'aux années 2000, j'ai occupé diverses fonctions à titre de conseillère juridique puis de directrice de mandat et de politique et j'ai été négociatrice pour le gouvernement du Yukon dans le processus de négociation sur les revendications territoriales.

MEAGAN PERRY (VOIX HORS CHAMP) : Lesley McCullough a commencé à travailler au gouvernement du Yukon en 1985, année où l'approche novatrice du Yukon à l'égard de l'autonomie gouvernementale des Autochtones n'était qu'un germe d'idée. Plusieurs années plus tard, Lesley a aidé à négocier l'Accord-cadre définitif (ACD). Ce document, également appelé ACD, a jeté les fondements de la structure actuelle où onze Premières nations autonomes travaillant en collaboration avec les gouvernements fédéral et territorial.

LESLEY MCCULLOUGH : En regardant signer une entente, on me sent envahie par une immense euphorie. C'est exaltant pour deux raisons. Premièrement, c'est le couronnement de tous les efforts déployés pour  arriver à ce point. C'est le couronnement des objectifs et des rêves que les gens ont caressés, tout ce travail extraordinaire qu'ils ont investi dans ce projet. Deuxièmement, c'est une nouvelle étape vers un changement réel qui fera une vraie différence. Les ententes marquent un tournant dans notre société, et le simple fait de savoir que nous avons eu la chance d'en faire partie est extrêmement gratifiant. C'est passionnant.

MEAGAN PERRY (VOIX HORS CHAMP) : Je m'appelle Meagan Perry. Au début de 2011, 18 ans après la signature de l'Accord-cadre définitif, Lesley McCullough m'a invitée à son bureau pour parler de la mise en œuvre de l'autonomie gouvernementale au Yukon et de la façon dont les ententes ont pris forme au cours des 25 dernières années.

MEAGAN PERRY : Pour ceux qui nous écoutent et qui n'auraient peut-être pas une bonne idée de la situation politique au Yukon. Pouvez-vous nous dire pourquoi, selon vous, le gouvernement du Yukon voulait élaborer un modèle d'autonomie gouvernementale autochtone qui serait axé sur la collaboration? Yukon est le seul endroit du pays où les choses se sont passées de cette façon.


00:02:10


LESLEY MCCULLOUGH : Je pense qu'il y a toutes sortes de raisons expliquant cette originalité, et en ce sens que le Yukon est une anomalie au Canada. À l'époque, toutes les conditions étaient réunies : il y avait un certain synchronisme. Je pense qu'il y avait beaucoup de chefs des Premières nations qui étaient des visionnaires. Et pendant longtemps au Yukon il y avait, comme nous le savons, la question de la restitution des droits – les dossiers sur la restitution des droits remontent à la ruée vers l'or. Nous avons connu des chefs des Premières nations qui luttaient avec acharnement pour faire valoir les revendications de leurs peuples. Dans les années 1980, nous avions un certain nombre de chefs autochtones qui répétaient que c'était le moment pour nous de passer à l'action, que c'était le moment où nous pouvions en faire une réalité.

Dans le même temps, nous avions un gouvernement qui avait mené une campagne fondée sur le règlement des revendications territoriales. C'était vraiment le thème central de sa plateforme à l'époque. Beaucoup de gens avaient été surpris de son élection. Le nouveau gouvernement n'avait pas remporté la victoire avec une grande marge et, selon moi, à l'époque il se disait : « Si nous voulons changer les choses, si nous voulons faire de cette région un meilleur endroit, nous devons aller de l'avant maintenant. Allons-y donc – nous pouvons accomplir quelque chose de grand. » Le Yukon est une région très peu peuplée et il peut être un laboratoire de changement,  pour changer effectivement le monde dans lequel nous vivons. Et, fort heureusement, c'était aussi le moment où pour diverses raisons – juridiques et certainement politiques – le Canada voulait engager des discussions sur un modèle différent de revendications territoriales et d'autonomie gouvernementale. Et je ne pense pas que le Canada aurait été prêt à cela auparavant, et rien ne garantissait qu'il voudrait le faire par la suite.

MEAGAN PERRY : Maintenant, parlez-moi de ce modèle? Qu'est-ce qui fait que le modèle du Yukon est unique en matière de revendication territoriale et d'autonomie gouvernementale?


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LESLEY MCCULLOUGH : Bien, je pense qu'il y a de nombreux facteurs. Selon moi, la spécificité de ce modèle d'entente sur les revendications territoriales réside dans son processus général de négociation et aussi dans la façon de fonctionner du Yukon. Nous avons un Accord-cadre définitif qui sert de modèle. Les dispositions contenues dans ce modèle se retrouvent dans chacune des onze ententes définitives conclues avec les Premières nations du Yukon, bien que chacune contienne également des dispositions qui lui sont propres. Donc, selon moi, notre mérite a été d'avoir, dans l'Accord cadre, tenu compte du fait que nous sommes une petite administration territoriale. Toutes les ententes ne peuvent pas être différentes. Nous allons travailler avec un grand nombre de territoires traditionnels, nous allons faire face à des compétences municipales; nous allons traiter avec plusieurs gouvernements et beaucoup de Premières nations. Nous devons avoir une sorte de cohérence. C'est dans cette optique qu'il est utile d'avoir l'Accord-cadre définitif.

Mais nous reconnaissons également que les Premières nations sont différentes, les communautés sont différentes, les peuples voudront obtenir des choses différentes et régler des problèmes semblables de façon différente. Nous avons tenu compte de ces facteurs dans l'Accord cadre. Donc, il ne s'agit pas du tout d'ententes à l'emporte-pièce. Certes, il y a un certain degré de points communs, mais notre modèle laisse également beaucoup de place pour inclure des dispositions qui reflètent vraiment les objectifs de chacune des Premières nations. Et, selon moi, il s'agissait là d'un élément vraiment important.


00:05:39


MEAGAN PERRY : Donnez-nous donc un exemple d'une de ces dispositions particulières dont vous parlez.

LESLEY MCCULLOUGH : D'accord. Par exemple, il y a dans l'Accord-cadre définitif des dispositions générales qui traitent de la question du développement économique et qui se retrouvent dans toutes les ententes. Mais quelques‑unes utilisent cette disposition un peu comme un tremplin pour garantir le droit à des parcelles de terrain lorsque le développement aura lieu dans le territoire traditionnel. D'autres ententes utilisent cette disposition comme un tremplin pour obliger le gouvernement public et la Première nation à travailler ensemble s'il y a exploitation des ressources – ou des choses du même genre. Donc la sorte de disposition–tremplin contenue dans l'ACD peut être la même, mais la façon dont elle est présentée traduit ce qui importe réellement pour la Première nation au moment de l'entente. De la même façon, toutes les ententes définitives contiennent des dispositions relativement au choix des membres du Conseil des ressources renouvelables ou ceux d'autres comités en service. Le processus selon lequel les parties travaillent ensemble pour choisir les membres diffère d'une entente à l'autre. Dans certaines ententes, chaque partie présente une liste à partir de laquelle on choisit un certain nombre de personnes. Dans d'autres, les parties conviennent de travailler en collaboration, de sorte qu'elles se mettent toutes d'accord sur l'ensemble des membres choisis. Et c'est vraiment le reflet de la façon dont chaque nation individuellement voulait travailler avec le gouvernement.

MEAGAN PERRY : Ça, ce sont les revendications territoriales. Maintenant, parlez-nous de l'autonomie gouvernementale.


00 :07 :12


LESLEY MCCULLOUGH : Notre entente relative à l'autonomie gouvernementale est unique au Canada et cela s'explique par bien des facteurs. Mais selon moi, la particularité de notre entente tient avant tout au fait que seule l'autonomie gouvernementale donne effectivement à une Première nation des pouvoirs de légiférer, réels et considérables, qui ne sont pas nécessairement assujettis à ceux des autres gouvernements. Au Yukon, nous avons ce qu'on appelle le « modèle substitutif ». Donc, si une Première nation adopte une loi valide qui traite d'une question précise, la loi du Yukon ne s'applique plus dans la mesure où les deux lois portent sur la même question. Dans d'autres juridictions, la loi des Premières nations ne s'applique que si elle est plus rigoureuse ou si elle contient des dispositions plus sévères que les lois du gouvernement central. Mais, au Yukon, nous avons effectivement un modèle substitutif. Lorsque nous négociions ce point, nous nous étions demandé est-ce que nous, en tant que gouvernement du Yukon, c'est précisément ce que nous voulons? Désirons-nous courir le risque que les Premières nations aient des lois que nous n'aimons pas et dont nous ne voulons pas, c'est-à-dire des lois qui ne font pas notre affaire. Et nous sommes arrivés à la conclusion que c'est précisément ce qui se produit lorsqu'on traite avec un autre gouvernement. Vous n'allez pas toujours être d'accord. Les gouvernements ont le droit d'adopter, relativement à leur population et à leur territoire, des lois qui ont une signification pour eux, même si ce n'est pas ce que nous aurions souhaité.

Je pense que cela n'a pas été le cas. Mais ce qui est fait est fait. Donc, les Premières nations se sont efforcées d'adopter des lois qui ont de l'importance pour elles; elles ont canalisé leur énergie et ont investi leur argent – car cela prend beaucoup d'argent pour bien ficeler une loi – dans les lois qui revêtent beaucoup d'importance pour leur peuple. Elles n'ont pas utilisé les lois pour faire valoir des points de rhétorique juste pour avoir l'assurance qu'elles seront adoptées. Elles savent qu'elles ont l'autorité. Elles savent qu'elles en ont le pouvoir. C'est-à-dire, lorsque les gouvernements des Premières nations travaillent avec les gouvernements publics et qu'ils travaillent en collaboration; et la plupart du temps ce n'est pas par contrainte. Ce n'est pas par obligation de travailler avec le système d'administration publique. C'est plutôt parce qu'il y a avantage à agir de la sorte, à travailler en collaboration.

MEAGAN PERRY : Maintenant, j'aimerais que vous reveniez un peu en arrière pour m'expliquer comment vous avez commencé à travailler dans les ententes sur l'autonomie gouvernementale et les revendications territoriales. Y avait-il pour vous, sur le plan personnel, un lien entre les négociations et la mise en œuvre des ententes?

LESLEY MCCULLOUGH : En fait, il y avait beaucoup de liens, tant sur le plan personnel que sur le plan professionnel. Comme je l'ai dit, j'ai grandi au Yukon et je me suis clairement rendu compte, pendant mes études secondaires ici, qu'il y avait beaucoup de discrimination à l'égard des Autochtones. Peut-être que la situation n'était pas aussi mauvaise que dans d'autres endroits, mais c'était une réalité. Et l'histoire de la discrimination au Yukon avait eu une incidence vraiment néfaste sur les gens. Et même pendant mon adolescence, je me souviens que je me demandais à quel moment allais‑je enfin voir Elijah Smith et l'Association des Indiens non inscrits du Yukon d'alors s'unir au Yukon Native Brotherhood. Je me souviens que je pensais que c'était une bonne chose. Je crois que ces genres de questions d'égalité étaient vraiment importantes pour moi, tout comme l'idée qu'un jour les gens auraient des chances égales.

Quand je suis devenue un peu plus âgée, je suis allée travailler pour le premier ministre du Yukon de l'époque, pour qui l'autonomie gouvernementale était une idée maîtresse de son programme gouvernemental; même si je dois dire que cette question était déjà très présente à l'esprit d'un grand nombre de Yukonnais, parce que le règlement des revendications territoriales a depuis lors été appuyé par les gouvernements de toutes les obédiences politiques. Mais pour moi, c'était l'occasion rêvée de bâtir une meilleure société. C'était la chance de faire partie de quelque chose de plus grand que soi, de plus grand que ses propres intérêts. C'était vraiment merveilleux d'adhérer à un mouvement progressiste. En tant qu'avocate, j'étais franchement très intéressée. Comment est-ce qu'on négocie quelque chose de cette envergure? Donc, c'était vraiment excitant pour moi de proposer de nouvelles idées.

MEAGAN PERRY : À quoi cela ressemblait-il lorsque l'idée de l'autonomie gouvernementale mijotait au gouvernement du Yukon? Quels genres de réflexions avez-vous entendues à ce sujet et quelqu'un avait-il envisagé le modèle qui a été élaboré ici?

LESLEY MCCULLOUGH : Au tout début, le modèle que nous avons maintenant  n'était pas vraiment envisagé. En raison du processus de négociation, je suis presque sûre que ni les Premières nations ni le gouvernement n'avaient envisagé à quoi cela allait ressembler. Nous pensions probablement tous que l'autonomie serait de nature plus contractuelle. Nous pensions qu'elle serait plus simple. Nous pensions certainement qu'elle serait plus facile. Bien qu'elle soit devenue très claire très vite – Vous savez, nous nous étions dit que nous allions négocier l'autonomie gouvernementale. Puis nous avons commencé à réfléchir : Bon, selon nous, qu'est-ce que l'autonomie gouvernementale? Avec quoi allons-nous nous présenter à la table de négociation? Qu'est-ce que nous sommes prêts à accepter? Qu'est-ce que nous ne sommes pas prêts à accepter? Quels sont les intérêts qui, selon nous, doivent être protégés et y a‑t‑il une façon de procéder lorsque quelqu'un vient nous dire : Bon, d'accord, nous voulons cela. Et que notre première réaction est : Bon, attendez un peu. Cela menace les intérêts que nous devons protéger. Y a‑t‑il une autre façon de les protéger? Il y a eu des pressions énormes; et à ce sujet, il y un certain nombre de négociateurs à l'époque devant lesquels je tiens vraiment à m'incliner, à commencer par le négociateur du Yukon, Barry Stuart, mais d'autres aussi commandent mon respect – et c'est certainement le cas pour Karyn Armour qui siège encore au Secrétariat des revendications territoriales et de la mise en œuvre – ces négociateurs ont fait preuve d'une grande créativité et ont su mettre de côté les idées préconçues du genre : Nous ne pouvons pas faire cela, nous ne ferons pas cela. Ils se sont dit : D'accord, si c'est notre objectif, comment allons-nous y parvenir?


00:13:30


MEAGAN PERRY : Cela a dû être passionnant.

LESLEY MCCULLOUGH : Ça l'était. Comment dire? Vous savez, parfois, à entendre parler des gens des années 1960 et des gens qui ont pris part à ces grands mouvements, quelqu'un peut se dire que cela aurait été tellement magnifique s'il avait pu y prendre part mais que malheureusement il était trop jeune à l'époque. Quant à moi, quand je pense que mon nom figure sur ces ententes, que je les ai signées, que j'ai pris part à ce changement et que, si je prends part à un changement, tout le monde du Yukon y prend part également. En quelque sorte, cela vous aide à réfléchir sur la façon dont, par votre travail quotidien, par votre vie de chaque jour, vous changez les choses, vous pouvez contribuer à bâtir un monde différent.

MEAGAN PERRY : Manifestement, la mise en œuvre se poursuit toujours et c'est un processus qui fait appel à un engagement à long terme de la part de toutes les parties – le gouvernement du Yukon, le gouvernement du Canada et les Premières nations du Yukon. De votre point de vue, comment les intérêts des Premières nations, du Yukon et ceux du gouvernement du Canada ont évolué de l'époque des négociations jusqu'à la mise en pratique des ententes sur l'autonomie gouvernementale et les revendications territoriales. Qu'est-ce que vous avez constaté?

LESLEY MCCULLOUGH : Eh bien, je dirais que j'ai assisté à un vrai virage quant aux genres de questions auxquelles nous prêtons attention : ces questions vont de ce qui est essentiellement une relation de type légal à ce qui est une relation pratique. Au début des négociations, les questions auxquelles nous accordions beaucoup de temps – qui étaient essentielles et qui devaient être réglées – étaient de graves questions d'ordre légal et conceptuel, telle que la question du titre ancestral. Qu'est-ce que cela signifie? Par exemple, la certitude des titres fonciers, qu'est-ce que c'est? Et à mesure que nous avancions dans les négociations avec les Premières nations, les questions devenaient différentes pour chacune d'elles à la table des négociations sur l'entente définitive. Les questions difficiles portaient entre autres sur les lignes de piégeage ou le gravier parce qu'il s'agissait là de choses qui sont vraiment importantes pour la vie active des gens, pour leur capacité de gagner leur vie, leur capacité d'empêcher leur voiture de s'enliser dans leur entrée de garage. Ces questions étaient très pratiques. Combien de lignes de piégeage la Première nation aurait‑elle le pouvoir d'attribuer par rapport au nombre attribué par le gouvernement? C'était des questions de ce type. Et à mesure que nous avancions dans la mise en œuvre de l'entente et que cette mise en œuvre se poursuivait, nous constations qu'il s'agissait vraiment d'un processus constant que celui d'améliorer les relations de travail.

Je pense que nous avons créé beaucoup plus qu'une relation de gouvernement à gouvernement. Et je sais que cela peut sembler un peu rebattu, mais nous disons tout le temps que c'est bien là la vraie nature d'une relation de travail, car elle impose un respect mutuel à tous les gouvernements en cause. Et c'est aussi un processus en dents de scie en termes de relations; et, à mon avis, c'est tout à fait normal, car les gouvernements ne s'entendent pas toujours très bien avec les autres. Mais je crois fort heureusement que vous voulez avoir suffisamment de force dans ce genre de relations; car vous ne pouvez pas laisser un désaccord sur un point faire basculer toute la relation. Vous devez être en mesure de maintenir une bonne relation de travail pour pouvoir continuer à discuter des autres questions – pour le plus grand bien de tous les citoyens.

MEAGAN PERRY : Au cours de votre travail, vous est-il arrivé une fois où vous avez eu l'impression que l'autonomie gouvernementale avait fait une percée? Je veux dire – puisque cela fait longtemps que vous faites ce travail – un moment où vous pourriez clairement voir que le travail que vous aviez accompli avait un effet positif sur la vie des Yukonnais.


00:17:08


LESLEY MCCULLOUGH : Cet effet positif de l'autonomie, je le vois de deux façons. Premièrement, dans la manifestation de leur joie. Lorsque les Premières nations de Champagne et de Aishihik a signé son entente, ce fut pour moi toute une surprise de voir l'exultation des membres dans la salle du fait qu'ils s'étaient débarrassés de la Loi sur les Indiens. J'ai pu alors comprendre à quel point ils avaient considéré la Loi sur les Indiens comme un carcan, un fardeau, une contrainte. Pour moi ce fut toute une révélation, une agréable révélation. Cela montre simplement qu'on ne peut pas imaginer la vie et l'univers des autres tant qu'on n'est pas directement placé devant leurs problèmes.

Sur une base plus pratique, cet effet positif de l'autonomie se manifeste à mes yeux, quand je vois les lois adoptées par les Premières nations, lorsque je participe à des réunions avec des représentants des Premières Nations et qu'ils me parlent de leurs politiques, de ce qu'ils accomplissent, de la façon dont ils prévoient atteindre leurs objectifs, et ce, de façon tout à fait normale. C'est merveilleux! Pour moi c'est vraiment une question de confiance, car très franchement nous avons tellement entendu d'observations négatives : Les Premières nations sont-elles prêtes pour l'autonomie gouvernementale? Ont-elles suffisamment de gens compétents? Vous voyez le genre de remarques. Certes, ce sont des questions qui peuvent nous passer par la tête, mais elles ne doivent pas nous paralyser. Vous devez saisir la chance qui se présente et chercher à intéresser les gens. Et, selon moi, cette chance s'est présentée et cette confiance a été établie.

MEAGAN PERRY : Il est important pour les Yukonnais de comprendre l'Accord-cadre définitif ainsi que les ententes définitives des Premières nations du Yukon et celles sur l'autonomie gouvernementale et les revendications territoriales. Mais il s'agit là de documents complexes. Comment les expliquez-vous aux Yukonnais? Lorsque les gens vous posent des questions à leur sujet, avez-vous une explication simple à leur offrir?


00 :19 :02


LESLEY MCCULLOUGH : Oui, j'ai une explication. Elle n'entre pas dans les détails, mais je dis que c'est l'entente selon laquelle le Canada et le Yukon règlent avec les Premières nations des revendications séculaires au plan légal et moral et au plan de l'équité. Et nous l'avons fait d'une façon qui a été bénéfique pour tous les habitants du Yukon. Nous l'avons fait d'une façon qui accorde la certitude des titres fonciers là où il n'y en avait pas avant. Nous l'avons fait d'une façon qui a créé des processus axés sur la collaboration – et pas simplement des processus axés sur la collaboration mais des processus au niveau local qui s'adressent à tous les Yukonnais, qui donnent à chacun la chance d'avoir son mot à dire dans la façon dont notre gouvernement prend les décisions. Et, bien sûr, l'entente établit des règles et vous devez vous donner la peine d'aller les consulter de temps à autre. Mais vous pouvez déjà trouver des réponses dans l'entente. Il ne s'agit pas d'un document difficile à comprendre. Il contient beaucoup de ressources. Et, en fait, c'est déjà beaucoup qu'il y ait un endroit où vous pouvez aller pour trouver réponses à vos questions.

MEAGAN PERRY : Lorsque vous regardez les années pendant lesquelles vous avez travaillé à mettre en œuvre l'autonomie gouvernementale et les revendications territoriales au Yukon, qu'est‑ce que vous en pensez?

LESLEY MCCULLOUGH : Je pense que j'ai eu beaucoup de chance. J'étais au bon endroit au bon moment. J'ai eu l'occasion de travailler avec des gens compétents de tous les ordres de gouvernement – vraiment des gens créatifs, qui ont une vision, qui sont généreux et qui ont la joie de vivre – des gens que je n'aurais jamais rencontrés autrement. J'ai eu la chance de me rendre dans des collectivités que j'avais peut‑être traversées avant en voiture sans m'y arrêter. J'ai eu la chance de penser à des concepts, de penser à des façons de faire les choses et à des façons de créer des processus qui pourraient aider les gens. J'ai eu tout simplement la chance de prendre part à quelque chose de grand. C'était en quelque sorte mon combat.

MEAGAN PERRY : Merci d'avoir pris la peine de vous entretenir avec moi aujourd'hui.

LESLEY MCCULLOUGH : Merci

MEAGAN PERRY (VOIX HORS CHAMP) : C'était Lesley McCullough, avocate auprès du gouvernement du Yukon, qui travaille à la mise en œuvre d'un modèle – un modèle collaboratif – d'autonomie gouvernementale autochtone depuis 1992. Cette entrevue vise à permettre au public de mieux comprendre l'histoire de la mise en œuvre des ententes sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale au Yukon. Les idées et les opinions exprimées dans cette entrevue sont celles de la personne interviewée. Cette série de balados a été produite par le Groupe de travail sur la mise en œuvre, une initiative faite en collaboration entre le Conseil des Premières nations du Yukon, le gouvernement du Yukon, le gouvernement du Canada et les Premières nations autonomes du Yukon.