Voices of Vision: An interview with John Burdek
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MEAGAN PERRY : À votre avis, qu’apporte l’autonomie gouvernementale aux résidents du Yukon?
JOHN BURDEK : Bien, je ne suis pas certain de ce qu’elle apporte à tous les résidents du Yukon, mais personnellement, je vois vraiment cela comme un moyen de progrès.
MEAGAN PERRY (VOIX HORS CHAMP) : John Burdek, ancien président du Conseil des Ta’an Kwach’an.
JOHN BURDEK : Vous savez, lorsque nous avons signé nos ententes après avoir ratifié avec Ta’an, il y avait un groupe de chefs et d’aînés au lac Laberge, à notre bureau du lac Laberge, là où nous avons voté et sanctionné l’entente. Et sur le chemin du retour, quelques aînés étaient dans la voiture avec moi et m’ont raconté toutes sortes de choses, vous savez, à propos des difficultés qu’ils ont eues dans le passé, des moments pas très drôles, et quelques bons moments. Et puis, avant d’arriver à Whitehorse, ils ont parlé de leurs enfants et de leurs petits-enfants, et de leurs perspectives d’avenir. Pour eux, [cette entente] était vraiment une formidable occasion de s’attaquer à la résolution des problèmes du passé et de nous permettre d’aller de l’avant en tant que Première nation du Yukon.
MEAGAN PERRY (VOIX HORS CHAMP) : John Burdek a joué un rôle actif dans la mise en œuvre de la version moderne de l’autonomie gouvernementale au Yukon. En tant que négociateur et chef de Première nation et de par son travail avec les gouvernements fédéral et territorial, il a œuvré pour que se concrétise la vision énoncée par le chef Jim Boss en 1902 et celle élaborée par des leaders comme Elijah Smith dans les années 1970. En février 2011, j’ai rencontré John Burdek à son bureau de Whitehorse et nous avons discuté du fait que l’autonomie gouvernementale avait favorisé l’avènement d’une nouvelle réalité politique et sociale au Yukon. Mon nom est Meagan Perry. J’ai d’abord demandé à John Burdek de nous faire un topo sur le Conseil des Ta’an Kwach’an.
JOHN BURDEK : Notre Première nation est représentée par le Conseil des Ta’an Kwach’an. C’est une Première nation de petite taille établie tout près de Whitehorse mais dont le centre de gravité culturel – notre réserve initiale – est situé au lac Laberge. Dans les années 1950, le ministère des Affaires indiennes et du Nord nous a regroupés avec la Première nation de Whitehorse, sous la désignation de bande indienne de Whitehorse. Mais avec l’avènement des revendications territoriales, les bandes de Kwanlin Dün et de Ta’an se sont séparées et sont redevenues comme jadis des entités distinctes. Donc notre base culturelle est le lac Laberge mais nous avons de nombreux sites de chevauchement avec les Kwanlin Dün dans la région de Whitehorse.
MEAGAN PERRY : Dites-moi ce qui vous a amené à vous pencher sur les questions d’autonomie gouvernementale et de revendications territoriales. Ces questions ont-elles une signification personnelle pour vous?
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JOHN BURDEK : Bien, je pense que lorsque j’ai été nommé président des Ta’an – ce poste a maintenant le titre de chef – ce fut en quelque sorte mon baptême du feu. Nous devions compléter notre séparation – notre séparation officielle d’avec Kwanlin Dün. Nous devions faire cela pour conclure nos de règlement territorial et d’autonomie gouvernementale. C’est donc dans ces circonstances que je suis devenu président. J’ai dû très vite me familiariser avec tout le processus.
MEAGAN PERRY : J’imagine que ce fut stressant.
JOHN BURDEK : Bien, c’était intense, ça c’est sûr – il se passait beaucoup de choses. Mais c’était passionnant, ce furent des moments exaltants. C’est une occasion qui se présente très rarement, vous savez, celle qui consiste à construire une structure de gouvernement.
MEAGAN PERRY : Et qu’en pensaient les aînés de la collectivité à l’époque ? Cela devait être tout un changement.
JOHN BURDEK : Bien, à ce stade du processus – il y a toujours un mélange. Vous savez, certaines personnes étaient assez exaspérées par les disfonctionnements du processus de séparation d’avec Kwanlin. Il y avait quelques points sur lesquels les choses étaient bloquées. D’autres étaient exaspérés par la durée du processus de négociation – vous savez, ça a pris une trentaine d’années. Difficile de maintenir le cap, de ne pas lâcher prise dans ces conditions. Puis il y en avait d’autres qui regardaient vers l’avenir et qui nous ont motivés parce qu’ils pouvaient – ils savaient qu’il fallait travailler fort et que même si c’était frustrant, à la longue, à long terme, notre peuple allait vraiment en bénéficier.
MEAGAN PERRY : Et en ce qui vous concerne, quel a été le déclic qui vous a amené à faire ce travail?
JOHN BURDEK : Bien, il y a probablement pas mal de facteurs, mais je voulais vraiment faire quelque chose pour ma Première nation et travailler avec la communauté. Alors, ce poste de président qui m’était offert m’en donnait la possibilité. C’était fantastique.
MEAGAN PERRY : Et quel âge aviez-vous à ce moment-là?
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JOHN BURDEK : Oh, j’ai l’impression que cela fait une éternité. Je devais avoir une quarantaine d’années.
MEAGAN PERRY : D’accord. Maintenant, parlons d’autonomie gouvernementale. La réalisation de l’autonomie gouvernementale est un processus qui exige comme vous l’avez dit un engagement à long terme – cela prend beaucoup de temps – et la participation de toutes les parties concernées. Vous avez travaillé dans tous les ordres de gouvernement du territoire, n’est-ce pas?
JOHN BURDEK : Bien, comme me dit ma femme, je n’ai pas encore travaillé pour la ville de Whitehorse, mais j’ai travaillé à des postes d’assez haut niveau, vous savez, au gouvernement fédéral, au ministère des Affaires indiennes et du Nord, à Pêches et Océans Canada, et je travaille actuellement avec le gouvernement du Yukon. J’ai dirigé la Première nation Ta’an à titre de président et j’ai fait un mandat avec l’équipe de direction du Collège du Yukon. Alors j’ai certainement eu l’occasion de voir le processus sous divers angles à la table de négociation.
MEAGAN PERRY : Et, à votre avis, qu’est-ce qu’il faut pour que ça marche ?
JOHN BURDEK : Bien, vous savez, comme mesurer le succès - ces nouvelles formes de gouvernement sont relativement récentes, alors il y a des domaines où l’on obtient de bons résultats, mais il y en a d’autres où c’est un peu plus difficile. Vous savez, dans les diverses administrations où j’ai été amené à travailler, j’ai constaté qu’il y avait différentes conceptions et différents degrés de compréhension de ce qu’est l’autonomie gouvernementale.
MEAGAN PERRY : Un peu plus de la moitié des ententes sur l’autonomie gouvernementale du pays sont conclues au Yukon. Pourquoi pensez-vous que cela fonctionne au Yukon?
JOHN BURDEK : Bien oui, je pense que cela va au-delà de la moitié. Il y en a dans d’autres régions mais je ne pense pas qu’elles soient aussi élaborées que celles que nous avons conclues au Yukon. Je pense que de nombreux facteurs sont à l’origine de la conclusion d’un si grand nombre d’ententes ici, notamment le fait qu’il n’existait aucun processus de négociation de traités dans la région, et le fait que le gouvernement fédéral avait un plus grand contrôle sur les terres et les ressources, ce qui lui a donné plus de flexibilité pour travailler avec les Premières nations. Et je pense que les membres des Premières nations qui ont participé à tout ce processus étaient des visionnaires et qu’ils entrevoyaient les possibilités de ce processus dès les années 1970. C’est vraiment étonnant. Et si vous lisez Together Today for our Children Tomorrow – il m’arrive encore d’y revenir – il est encore très pertinent. Il touche à des questions qui sont toujours aussi cruciales aujourd’hui. L’écriture est peut-être un peu dépassée, mais l’ensemble, vous savez, la vision d’ensemble de ce document est encore d’actualité.
MEAGAN PERRY : Que pensez-vous de toutes ces années que vous avez passées à oeuvrer pour l’autonomie gouvernementale des Premières nations du Yukon?
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JOHN BURDEK : Bien, je n’y ai certainement pas travaillé aussi longtemps que bien d’autres personnes, vous savez. Je me suis engagé dans le processus lorsque je suis devenu président de Ta’an, et une bonne partie du travail que j’ai fait ne touchait pas nécessairement au processus de négociation. Ce à quoi j’ai participé le plus, vous savez, c’est à la mise en œuvre de ces ententes et de ces lois qui ont été adoptées; j’ai essayé de leur donner vie, de les mettre en pratique. Et il est vraiment étonnant de voir combien ces deux processus sont différents, vous savez, tout le processus de négociation, puis le processus de mise en œuvre. Je pense, d’après mon expérience, que certaines des difficultés auxquelles les gouvernements sont confrontés résident dans leur incapacité à faire cette transition, vous savez, entre le processus de négociation et le processus de mise en œuvre. C’est la grande difficulté à laquelle nous sommes confrontés.
MEAGAN PERRY : Y a-t-il eu des moments au cours de votre travail où vous avez eu l’impression que l’autonomie gouvernementale avait vraiment permis de faire des choses importantes, vous savez, des moments où vous avez pu voir que l’autonomie gouvernementale avait eu des effets positifs sur la vie des résidents du Yukon?
JOHN BURDEK : Bien, je ne sais pas si nous avons eu des moments de « grande révélation ». Je pense plutôt que c’est un processus progressif. Et il faut prendre du recul et analyser la situation sur une certaine période, vous savez. Si nous cherchons à voir ce qui s’est produit au jour le jour, il est difficile de voir quelque changement que ce soit. Mais je pense que si nous prenons du recul et que nous comparons – si nous comparons ce que cela impliquait que d’être Autochtone à Whitehorse il y a 25 ans par rapport à aujourd’hui, eh bien la différence est énorme, vous savez. Quel était le niveau d’instruction? Quel progrès avons-nous accompli depuis? Et qu’en est-il des possibilités d’emploi et de notre participation aux processus décisionnels en tant qu’Autochtones ? Donc, les choses ont énormément changé au cours des 20 ou 25 dernières années. Ces changements ne sont peut-être pas tous attribuables à l’autonomie gouvernementale, mais je pense qu’elle y a beaucoup contribué.
MEAGAN PERRY : Il est parfois difficile pour les jeunes de reconnaître les changements que l’autonomie gouvernementale a pu leur apporter. Pouvez-vous nous donner un exemple concret des avantages de l’autonomie gouvernementale?
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JOHN BURDEK : D’emblée, je mentionnerais l’éducation. Et encore là, la différence réside dans la capacité qu’ont les Premières nations à établir leurs propres priorités grâce à l’autonomie gouvernementale. Dans le cas de l’éducation, par exemple, le financement de la formation postsecondaire venait autrefois du ministère des Affaires indiennes et du Nord et le montant alloué était un montant fixe. Une Première nation pouvait affecter ce montant à des programmes menant à diplôme, par exemple. Et c’est tout ce qui était disponible; c’est tout ce qu’elle pouvait dépenser. Mais avec l’autonomie gouvernementale, une Première nation peut déterminer – et bon nombre l’ont fait – que l’éducation est une priorité importante, qu’il faut investir dans l’éducation. Alors, elle peut décider qu’elle investira un montant donné dans l’éducation. Elle peut décider d’investir 500 000 $ dans le secteur de l’éducation au cours des cinq prochaines années et les gens qui veulent poursuivre leurs études après le secondaire peuvent ainsi obtenir un soutien financier. Et pas seulement pour des diplômes universitaires, mais également pour des certificats de compétence dans le secteur des métiers. Il y a donc une énorme différence entre la manière dont les bandes qui souhaitaient investir dans les études postsecondaires étaient financées dans le cadre de la Loi sur les Indiens et la manière dont procèdent les Premières nations autonomes pour financer les études de leurs citoyens.
MEAGAN PERRY : Et y a-t-il beaucoup de gens qui profitent de ces possibilités pour poursuivre leurs études?
JOHN BURDEK : Oh oui. Même dans notre petite Première nation, nous avons revu notre politique d’éducation postsecondaire pour y inclure les diplômes universitaires et les écoles de métiers, et beaucoup sont en mesure de poursuivre leurs études grâce au soutien additionnel qu’ils reçoivent de leur Première nation. C’est fantastique, vous savez, et je pense que nous allons - à court terme, nous ne voyons pas tellement les avantages. Par contre, à l’horizon de cinq ou dix ans, cet investissement dans l’éducation de nos citoyens aura un impact important.
MEAGAN PERRY : Il est important que les citoyens du Yukon comprennent en quoi consiste un Accord-cadre définitif, un accord définitif, une entente d’autonomie gouvernementale ou un accord de règlement territoriale, mais ce genre de document est volumineux et complexes. Quelle explication donnez-vous aux résidents du Yukon qui ne comprennent peut-être pas grand-chose à ces ententes?
JOHN BURDEK : Et bien, c’est que ce sont d’énormes documents et qu’ils ont été rédigés par des avocats. À moins d’avoir travaillé directement avec une équipe de négociation, le commun des mortels ne peut pas en connaître tous les tenants et les aboutissants. Il n’y a pas de raison, à moins de travailler là-dedans à la journée longue... Alors le défi est d’expliquer aux gens ce que disent ces accords et ententes. C’est un travail de longue haleine. Je pense que nous devons vraiment – tous les gouvernements doivent – faire des efforts pour discuter des aspects importants sur lesquels portent ces documents, notamment en ce qui concerne le pouvoir qui est donné aux Premières nations en régime d’autonomie gouvernementale de faire des lois, de contrôler leurs différentes activités, de gérer leurs propres affaires, de prendre des décisions et d’établir leurs priorités, parce qu’elles n’ont plus à exécuter les décisions d’activité ou de programmes qui avaient été prises en amont, comme auparavant - elles peuvent maintenant décider qu’il est préférable d’investir un nombre X de centaines de milliers de dollars dans l’éducation, ou dans le logement, etc.; et l’autonomie gouvernementale est une structure qui permet aux Premières nations de faire tout cela. Alors quand on parle d’autodétermination, il faut expliquer que ces documents nous donnent les moyens et le cadre pour faire tout cela.
MEAGAN PERRY : Ce modèle d’entente développé au Yukon est unique au monde et comme vous l’avez souligné, il est très différent des ententes conclues dans le sud du Canada. Alors comment expliquez-vous le modèle d’autonomie gouvernementale mis en place au Yukon lorsque vous vous adressez aux Autochtones des autres régions du pays ?
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JOHN BURDEK : Bien, c’est – du fait qu’il s’agit d’énormes documents, et que ce sont des documents de règlement territorial global, ils sont très difficiles à résumer. Mais la meilleure analogie qui me vient à l’esprit est que la structure d’autonomie gouvernementale est assimilée à celle d’un gouvernement provincial ou territorial. Les Premières nations en régime d’autonomie gouvernementale ont la compétence et les pouvoirs nécessaires pour adopter leurs propres lois et gérer leurs propres affaires. Elles ont des pouvoirs fiscaux, ce qui est très différent des bandes qui relèvent de la Loi sur les Indiens. Elles ont le pouvoir – les Premières nations en régime d’autonomie gouvernementale sont habilitées, comme je l’ai déjà expliqué, à établir leurs priorités d’investissement en tenant compte des besoins de leur collectivité. Elles n’ont donc plus à respecter les paramètres d’un programme donné comme c’était le cas à l’époque où les fonds provenaient du ministère des Affaires indiennes et du Nord ou du gouvernement territorial et qu’il fallait dépenser l’argent dans le strict domaine du programme concerné. Si une Première nation décide d’investir dans le logement ou dans l’éducation, elle peut le faire, et c’est elle qui établira ses propres paramètres autour de cela.
MEAGAN PERRY : Quelle est la réaction des gens du sud du pays, lorsque vous leur parlez de ces ententes?
JOHN BURDEK : Bien, vous savez, les gens sont tellement habitués au modèle de la Loi sur les Indiens; c’est là que se situe leur niveau de compréhension - mais bon, c’est la nature humaine. Environ 600 bandes du pays relèvent de la Loi sur les Indiens et très peu de Premières nations sont dotées de l’autonomie gouvernementale. Donc, l’expérience et la conception de nous avons des Premières nations est formatée à travers le prisme de la Loi sur les Indiens. Donc ce qu’il faut, c’est montrer les principales différences structurelles qu’il y a entre les bandes dotées de l’autonomie gouvernementale et les bandes relevant de la Loi sur les Indiens. Cela permet de voir les choses différemment. Cela permet d’avoir une base de discussion. Mais bien souvent, quand on essaie d’expliquer le concept de Première nation en régime d’autonomie gouvernementale – que ce soit à des Autochtones des autres régions du pays ou à des gens des autres gouvernements provinciaux ou à des gens d’Ottawa, ils ont tendance à interpréter ce qu’on leur dit à travers le filtre de la Loi sur les Indiens. Et c’est là la difficulté. La difficulté est d’expliquer que le régime de l’autonomie gouvernementale diffère de manière fondamentale du régime de la Loi sur les Indiens en ce que les devoirs de responsabilité publique et que les transferts de compétences sont très semblables et même peuvent être supérieurs à ceux des pouvoirs provinciaux et territoriaux.
MEAGAN PERRY : Si je comprends bien, ce qui vous intéresse, c’est le défi de construire quelque chose de nouveau ?
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JOHN BURDEK : Oui, mais en même temps c’est stimulant. Quand on y pense, c’est – en fait, les ententes d’autonomie gouvernementale – il y en a onze au Yukon, tandis qu’il y a 680 bandes qui relèvent de la Loi sur les Indiens – sont quelque chose de très particulier. Mais le véritable défi se situe au niveau des gouvernements – et plus particulièrement au niveau du gouvernement fédéral qui est tellement habitué, ainsi que tous ses mécanismes, à fonctionner dans le cadre de cette loi, avec les réserves et toutes ces différentes juridictions - leurs mécanismes n’ont pas été adaptés pour pouvoir véritablement traiter et travailler avec les Premières nations en régime d’autonomie gouvernementale en fonction des dispositifs mis en place par les accords et ententes.
MEAGAN PERRY : Avez-vous une idée de la manière dont les gouvernements surmonteront les défis qui accompagnent l’établissement d’un système pareil ?
JOHN BURDEK : Je n’ai pas de boule de cristal et c’est difficile à dire. Vous savez, nous sommes confrontés à cela tous les jours, et cela pour toutes sortes de raisons. C’est une nouvelle façon de faire et ce sont de nouvelles structures de compétence. C’est un peu comme la création de nouvelles provinces. Nous devons apprendre à reconnaître ces nouvelles entités à l’intérieur du cadre national, et à l’intérieur du cadre provincial et territorial, et voir comment ces nouvelles structures d’autonomie gouvernementale s’imbriquent dans tout cela. Vous savez, c’est pour les autres gouvernements que c’est le plus difficile, car ils doivent apporter des ajustements à leurs lois et à leurs processus pour qu’ils reflètent le contenu de ces ententes d’autonomie gouvernementale. Et l’une des idées fausses qui a cours et dont j’ai fait l’expérience est que ces ententes d’autonomie gouvernementale sont des « ententes autochtones ». Or, ce n’est pas ça du tout le cas. Les ententes conclues au Yukon sont des ententes trilatérales entre le gouvernement fédéral, le gouvernement territorial et la Première nation concernée. Ces ententes établissent la manière dont les choses vont dorénavant fonctionner au Yukon. Et c’est dans ce cadre que nous allons désormais gérer la faune avec la Commission de la gestion du poisson et de la faune, et avec les divers conseils des ressources renouvelables. Toutes les parties ont convenu que c’est ainsi que nous allons dorénavant fonctionner au Yukon. Donc il ne s’agit pas de simples « ententes autochtones ». Il s’agit d’ententes qui établissent un nouveau régime de gouvernance à l’intérieur du Yukon et qui disent comment ça va marcher. Et, vous savez, lorsque vous commencez à expliquer tout cela aux gens, on voit que ça s’éclaire dans leur esprit. C’est une nouvelle façon de voir les choses. Pour moi, c’est tout cela qu’apportent les ententes.
MEAGAN PERRY : Comme vous l’avez dit, ces ententes ne peuvent pas se mettre en place du jour au lendemain. Selon votre expérience des revendications territoriales et de l’autonomie gouvernementale, quels sont aspects qui devraient être mis en œuvre en priorité?
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JOHN BURDEK : Si l’on se place du point de vue des Premières nations, je pense qu’il faudrait en premier lieu mettre en place les structures de gouvernance nécessitées par cette nouvelle donne du paysage que sont les Premières nations en régime d’autonomie gouvernementale. De nombreux processus gouvernementaux qui n’étaient pas nécessaires pour assurer le fonctionnement d’une bande relevant de la Loi sur les Indiens sont dorénavant nécessaires. Par ailleurs, ces processus doivent correspondre aux valeurs et à la culture des Premières nations concernées tout en leur permettant de fonctionner dans un monde moderne, ce qui constitue également un défi de taille. Et tout cela n’a à vrai dire rien de très excitant. En fait, il s’agit de mettre en place tous les mécanismes associés aux opérations de restructuration dont tout gouvernement doit se doter, qu’il s’agisse d’un gouvernement autochtone ou d’un gouvernement territorial ou d’un gouvernement américain ou africain. Ces mécanismes structurels sont à la base de toutes les formes de gouvernement. Alors, la difficulté réside dans la mise en place de ces mécanismes, et ce, dans un contexte où les ressources mises à la disposition des Premières nations autonomes sont limitées. Mais ce qui vous permet de réaliser les possibilités que renferment ces ententes.
MEAGAN PERRY : Les Premières nations du Yukon sont depuis longtemps engagées dans des démarches de revendications territoriales. Vous qui êtes engagé dans ces démarches, qu’en pensez-vous?
JOHN BURDEK : Bien, je n’y ai certainement pas participé aussi longtemps que certaines personnes, mais pour avoir participé quelque peu au processus de Ta’an, par exemple, je peux dire que c’est le chef Jim Boss qui, en 1902, a été le premier à reconnaître et à dire au gouvernement qu’il fallait faire quelque chose. Cela a eu beaucoup d’impact sur nous et c’est ce qui a vraiment enclenché le processus au Yukon, puis Elijah Smith et d’autres personnes ont relancé cela dans les années 70, avec quelques causes qui ont été débattues devant les tribunaux. Je fais humblement partie du nombre de ceux qui ont participé à ce mouvement. Vous savez, il y a un peu d’idéalisme associé à tout cela, parce que c’est un travail qui est fait dans l’intérêt de notre peuple; c’est un travail qui consiste à créer un cadre et à créer progressivement de nouvelles possibilités. Donc, c’est très difficile, mais c’est aussi très stimulant et très gratifiant.
MEAGAN PERRY : Merci d’être venu m’en parler aujourd’hui.
JOHN BURDEK : Tout le plaisir est pour moi.
MEAGAN PERRY (VOIX HORS CHAMP) : Vous avez entendu John Burdek. Le contenu de cette entrevue vise à mieux faire connaître l’histoire des revendications territoriales et le processus de mise en œuvre de l’autonomie gouvernementale au Yukon en présentant les opinions et les idées d’une personne interviewée sur le sujet. La présente série de fichiers balados a été produite par le Groupe de travail sur la mise en œuvre, de concert avec le Conseil des Premières nations du Yukon, le gouvernement du Yukon, le gouvernement du Canada et les Premières nations autonomes du Yukon.